
La publication sur internet au 1er mars 2010 du projet de cahier des charges par l’ARJEL, permet de passer en revue les principaux axes de ce texte. Rappelons que l’objet de ce cahier des charges est de fournir les éléments constitutifs de la demande d’agrément auprès de l’ARJEL. C’est sur la base de ce cahier des charges sans portée normative que les opérateurs potentiels vont devoir travailler dès à présent pour préparer leur demande de licence française.
Un bon indice quant au respect du calendrier législatif
Avant tout, la date de cette mise en ligne permet de confirmer le calendrier indiqué par le Gouvernement et l’ARJEL ces derniers mois. L’objectif est de permettre aux opérateurs de pouvoir disposer de la licence française pour le démarrage de la Coupe du Monde de Football qui débute le 10 juin prochain. Pour ce faire, le vote du Sénat du mercredi 24 février dernier conforte ce calendrier.
Si l’Assemblée Nationale vote conforme le texte adopté par le Sénat, alors le calendrier prévu pourrait être tenu. Rappelons que le texte sera examiné par les Députés le 30 mars prochain. C’est à la parution des décrets au Journal Officiel – estimée dans le mois qui suit cet éventuel vote conforme, que les opérateurs pourraient déposer leur demande de licence pour instruction par l’ARJEL.
Ainsi, la parution du projet de cahier des charges constitue une avancée sensible vers l’obtention de licences françaises de jeux d’argent et de hasard en ligne, quand bien même des recours seraient déposés devant le Conseil Constitutionnel et les instances européennes par les opposants à ce texte.
Bien entendu, ce cahier des charges sera soumis à l’approbation définitive des Ministres de l’intérieur, du budget, de l’agriculture et des sports. Mais, on peut raisonnablement considérer que la majeure partie des clauses présentées à titre d’information seront définitives. De même, les décrets d’application à paraître seront en harmonie avec ce projet de cahier des charges.
La philosophie de la loi respectée
Les grands principes du projet de loi sont rappelés en préambule :
« … la politique de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard a pour objectif de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux et d’en contrôler l’exploitation afin de :
1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ;
2° Assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;
3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
4° Veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ; »
La philosophie qui a présidée à l’Article 16 du projet de cette Loi est reprise également en préambule :
« … l’agrément ou son renouvellement est notamment conditionné à la démonstration par l’entreprise de sa capacité technique, économique et financière à faire face durablement aux obligations attachées à son activité, à la sauvegarde de l’ordre public, de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, des nécessités de la sécurité publique et de la lutte contre le jeu excessif ou pathologique. »
Un cahier des charges détaillé
Le projet de cahier des charges est volumineux (37 pages). Il comporte 11 rubriques principales que le candidat devra respecter pour obtenir son agrément.
Outre son identification complète, l’opérateur devra fournir des informations économiques, financières et comptables. Il produira une description du site internet de jeu, et détaillera le fonctionnement des comptes joueurs, des activités éventuellement sous-traitées, des contrôles et procédures internes mis en place. Les sections relatives à la lutte contre les activités criminelles, l’addiction ou les conflits d’intérêt, montrent que ces questions ne sont pas oubliées.
On y apprend, par exemple, que le droit fixe à payer lors du dépôt de la demande d’agrément à l’ARJEL varie en fonction du nombre d’agréments demandés par l’opérateur – pour les paris hippiques, – les paris sportifs – et le poker. Si la demande porte sur un seul agrément, il sera de 5 000 € ; pour deux agréments il sera de 8 000€ ; pour 3 agréments il sera de 10 000€. Cette information est nouvelle car l’article 38 du projet de loi ne contient qu’une fourchette quant au montant du droit à payer. (Article 2.6)
Notons encore un certain nombre d’obligations relevant des exigences légales classiques de mise en conformité, telles que le traitement des données au regard des obligations CNIL, les mentions légales du site etc.
La moitié du cahier des charges est consacrée à l’architecture technique du système. Cela permet de souligner l’importance attachée par les pouvoirs publics aux questions de sécurité informatique. Cependant, si ces exigences ne seront évaluées définitivement qu’après certification sous 6 mois après l’octroi de l’agrément, au jour d’ouverture de l’activité licenciée il est prévu que le frontal garantisse un certain nombre d’exigences impératives précisément listées alors que les autres exigences pourront être développées dans les 6 mois avant la certification.
En matière de paiement, le cahier des charges balise les modalités d’enregistrement et versement ainsi que liste les informations et identifications qui devront être transmises à l’ARJEL. Il est à noter que certaines dispositions vont requérir de sérieux efforts d’adaptation de la part des prestataires de services de paiement.
Si l’ARJEL dispose d’un délai de quatre mois maximum (vraisemblablement réduit compte tenu du calendrier) pour instruire et se prononcer sur une demande d’agrément (Article 2.4), toute modification du cahier des charges remis ferait courir un nouveau délai (Article 2.5). De même dans la phase préparatoire à l’instruction, si l’opérateur ne répond pas positivement à l’éventuelle demande de pièces complémentaires dans le délai imparti, la demande d’agrément sera rejetée (Article 2.3.2).
Transparence et robustesse
La transparence est tout d’abord requise en matière financière : Il sera nécessaire de documenter avec précision l’actionnariat des sociétés soumissionnaires (« toutes personnes physiques ou morales détenant plus de 5% du capital ou des droits de vote … ainsi que la ou les personnes qui la contrôlent » – (Article 3.2.partie 2)e)c)).
L’exigence de transparence est aussi judiciaire : l’ARJEL sera informée de toute condamnation définitive des sociétés et de ses actionnaires et dirigeants survenue depuis moins de 10 ans ( Articles 3.1. partie 2)b) ou 3.2.partie 2)d) ou f).
La robustesse est aussi financière : la solidité financière des opérateurs doit apporter le maximum de garantie aux joueurs pour ne pas perdre leurs mises et leurs gains (Article 4.3). En cas de difficultés financières, la présence d’un actionnaire de référence pourrait être de nature à rassurer l’ARJEL. Rappelons toutefois que pour les sociétés de capitaux, la présence d’un actionnaire n’oblige pas ce dernier à couvrir les pertes dans la société dont il détient une partie du capital.
La robustesse financière sera également examinée à la lumière des éléments prévisionnels qui devront être transmis dans la demande de licence (Article 4.1). L’analyse de ces éléments prévisionnels permettra de juger du respect des règles nationales, en termes de fiscalité et de solidité financière prévisionnelle. Ces éléments seront fixés plus concrètement lors des demandes ultérieures de licences ou de renouvellement.
Afin de répondre aux demandes de précisions concernant les conditions présentées dans le projet de cahier des charges, l’ARJEL prévoit d’apporter une réponse publique et anonyme aux demandes de précisions à travers son site internet (« Une FAQ (Foire aux questions) … sera très prochainement proposée …, en complément des documents téléchargeables (projets du cahier des charges et du dossier des exigences techniques notamment »). Il conviendra donc de suivre avec attention les mises à jour et les interprétations qui y seront présentées.
En conclusion, la mise à disposition du cahier des charges en projet nous incite à aborder avec rigueur et précision les demandes de licences qui seront déposées. Ce cahier des charges devrait même dans un calendrier serré, permettre, aux opérateurs répondants aux critères exigés d’exploiter un agrément pour la Coupe du Monde de Football.
Il est donc recommandé aux opérateurs qui souhaitent faire une demande de licence auprès de l’ARJEL de s’engager dans une démarche active de constitution des dossiers dès à présent ; l’objectif étant de faire partie des premiers opérateurs disposant d’un agrément dès la Coupe du Monde de Football sur le marché français. A cet effet, un travail de coordination des dossiers techniques, financiers et juridiques est nécessaire pour permettre aux opérateurs d’être prêts dans les temps.
Auteurs :
Paul Bougnoux – Associé Fondateur de Largillière Finance
Thibault Verbiest – Associé Fondateur du Cabinet d’Avocats Ulys
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